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ANTHOLOGIE FÉMININE

de Fortune[1] au duc Philippe le Hardi, qui éprouva tant de plaisir à cette lecture qu’il la fit appeler au palais du Louvre ; elle rentra non sans émotion dans cette demeure royale ou elle avait passé une si heureuse enfance. Philippe lui traça le plan d’un ouvrage, précieux pour Christine à exécuter autant avec le cœur qu’avec la plume : ce n’était rien moins que la vie du monarque surnommé le Salomon de la France.

Les documents du temps nous la représentent à son pupitre de chêne, entourée de livres et de manuscrits, vêtue de la longue robe de drap et des coiffes multiples à la religieuse, travaillant avec ardeur à son livre préféré : le Chemin de la long estude, lorsque les envoyés du duc se présentèrent.

Elle entreprit alors d’écrire l’histoire de Charles V, de ce roi qui, dans sa jeunesse, l’asvoit nousrie de son pain. Personne mieux qu’elle ne connaissait ce qu’il y avait de grandeur et de sagesse dans ce faible corps rendu si débile par le poison de Charles le Mauvais, et ne pouvait mieux décrire le faste des fêtes royales et les mœurs chevaleresques de cette cour où elle avait été élevée, de ce palais dont les détours n’avaient pas de secret pour elle. La première partie de son ouvrage était finie avant

  1. Ouvrage en vers d’un grand intérêt, où Christine de Pisan décrit les changements que la fortune opère dans le monde, et naturellement prend son existence pour modèle.