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ANTHOLOGIE FÉMININE

La lecture, ne l’oublions pas, est une source de vives jouissances et un puissant élément de distraction. On a presque le même contentement à rencontrer ses pensées en un livre qu’à rencontrer un ami sur la terre étrangère.

La sensation qui s’éveille en nous alors que nous retrouvons une idée qui est noire dans l’œuvre d’autrui est à la fois douce et bizarre. En la saluant de l’esprit et du cœur, on se sent moins seul ; on bénit tendrement l’être qui a su traduire en nobles et sympathiques paroles un des rêves de notre âme.

La pensée de la mort doit aussi entrer dans nos provisions de voyage. Il est essentiel de savoir se dire, aux heures d’abandon douloureux, que l’existence la plus entourée aboutit à la solitude du tombeau, et d’occuper son imagination des rêves d’outre-vie.

La fantasque avidité de le voir seulement passer me visite souvent. Je voudrais arriver à pressentir la forme qu’affecte le bonheur ; je voudrais savoir s’il tient plus de l’homme ou de la femme ; d’un bon dîner ou d’un portefeuille ministériel ; d’un titre, d’une gloire, d’une distinction sociale ; d’un coquet chapeau, d’une chaise de poste, d’un navire ballotté par toutes les mers ; d’un couvre-pied ouaté… Que sais-je encore de plus infime ou de plus grand ?

Le bonheur doit nécessairement appartenir à la race des caméléons, afin de se plier au caprice de toutes les têtes, de tous les désirs et de toutes les circonstances…