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ANTHOLOGIE FÉMININE

Tu tiens la belle lyre où s’accrochent les cœurs,
Mais du cygne et des lis tu n’as pas les blancheurs,
Et ta tunique, ô muse ! est bien décolletée.
Sur ton front étoile, plein de rayons divins,
Tu poses volontiers un bonnet de grisette.
Tu ne cours pas toujours par les plus purs chemins,
Mais que tu brodes bien la pimpante cornette
Avant de la jeter par-dessus les moulins !
Quand tu chantes Rolla, ton aile lumineuse
Effleure un sol fangeux… qui semble étincelant,
Car ta voix est si fraîche, ô sirène ! ô charmeuse !
Que même quelquefois la pudeur, en tremblant,
Pour t’admirer soulève un peu son voile blanc.
Mais tout à coup voilà que tu deviens guerrière :
À ce chant de défi qui nous défend l’accès
Du Rhin allemand, toi, tu réponds noble et fière,
Réclamant vaillamment notre ancienne frontière.
Et ton rire gaulois devient un chant français.
Ta colère superbe en double la puissance
Et met à ton beau front plus de rayonnement.
Tu t’élances sans peur dans le Rhin écumant.
Pour reprendre à la nage et pour rendre à la Fiance
Un laurier d’autrefois, volé par l’Allemand.
Ô Musset ! ta chanson n’est pas toujours légère.
Et l’on voit succéder à ton rire moqueur
Des larmes, des regrets, quelque pensée amère !
De ton esprit charmant en vain tu voulus faire
Un voile pailleté, pour nous cacher ton cœur :
Tu lances jusqu’au ciel, dans un chant magnifique.