Page:Alquie - Anthologie feminine.djvu/91

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
77
DEUXIÈME PÉRIODE

dernière phrase : « Aimez-moi toujours. » Une mère ne dit pas cela à sa fille[1].

Montélimar, le 5 octobre 1673.

Voici un terrible jour, ma chère enfant, je vous avoue que je n’en puis plus. Je vous ai quittée dans un état qui augmente ma douleur. Je songe à tous les pas que vous faites et à tous ceux que je fais, et combien il s’en faut qu’en marchant toujours de cette sorte nous puissions jamais nous rencontrer ! Mon cœur est en repos quand il est auprès de vous ; c’est son état naturel, et le seul qui peut lui plaire. Ce qui s’est passé ce matin me donne une douleur sensible et me fait un déchirement dont votre philosophie sait les raisons : je les ai senties et les sentirai longtemps.

J’ai le cœur et l’imagination tout remplis de vous ; je n’y puis penser sans pleurer, et j’y pense toujours ; de sorte que l’état où je suis n’est pas une chose soutenable : comme il est extrême, j’espère qu’il ne durera pas dans cette violence. Je vous cherche toujours, et je trouve que tout me manque, parce que vous me manquez. Mes yeux, qui vous ont tant rencontrée depuis quatorze mois, ne vous trouvent plus : le temps agréable qui est passé rend celui-ci douloureux, jusqu’à ce que j’y sois un peu accoutumée ; mais ce ne sera jamais assez pour ne pas souhaiter ardemment de vous revoir et de vous embrasser. Je ne dois pas espérer mieux de l’avenir que du passé ; je sais ce que votre absence m’a fait souf-

  1. Nous ne sommes pas les premiers à critiquer l’admiration un peu de convention décernée à Mme de Sévigné. Voir à ce sujet la biographie de Mlle du Sommery, page 163.