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LE TOUR DE FRANCE D’UN PETIT PARISIEN

Il demandait au premier passant le nom d’un édifice, sa destination.

— Qu’est-ce donc, ces deux vieilles tours ?

— Ce sont les restes de l’ancienne collégiale de Saint-Martin, où habita Grégoire de Tours, — le plus ancien historien de la France.

Il vit de la sorte la maison de Tristan l’Hermite, ce bourreau familier de Louis XI, l’hôtel Gouin et une partie de l’hôtel Semblançay qui datent de la Renaissance, la belle fontaine pyramidale de la place du grand marché, la statue de René Descartes sur le socle de laquelle il lut Cogito, ce qui l’intrigua fort (c’est le premier mot latin de cette pensée du grand philosophe : Je pense, donc je suis). Pour se renseigner, il interpella un écolier.

— Dis donc, toi,… qui n’es pas de Paris, qu’est-ce que c’est que ce Cogito-là, pour qu’il ait sa statue à Tours, comme nous allons en élever une à Alexandre Dumas ?

— Tiens, cette idée ! C’est le bonhomme Cogito, pardi ! répondit l’autre.

— Cogito ? Tu dois t’embrouiller. Dis plutôt que tu ne sais pas.

— C’est parce que tu as une montre que tu es si fier ! Veux-tu la jouer aux billes… en cent ?

— Ni en cent, ni en mille. Faudrait-il pas encore que je te l’accroche Tourangeau, veux-tu de la soupe ? — Oui dà ! — Apporte ton écuelle. — Je n’ai plus faim.

Jean avait entendu cette boutade en chemin de fer. Elle n’était pas tombée dans l’oreille d’un sourd.

— Il paraît que vous êtes comme ça ici, reprit-il.

— C’est une vraie montre ? dit le Tourangeau.

— Tout ce qu’il y a de plus chronomètre, répliqua Jean avec orgueil ; et en or encore.

Il la fit admirer à l’écolier, puis reprit sa course.

Il entra sans façon dans le grand établissement typographique de Mame ; il arpenta toutes les promenades, le Mail, les bords de la Loire : il passa les ponts, — deux ponts suspendus, le pont de pierre, l’un des plus beaux de France qui a près de 500 mètres de long jeté entre Tours et son faubourg de Saint-Symphorien. La plus belle rue de la ville y aboutit, continuée au delà, vers le Cher, par une large avenue d’où la vue embrasse l’ensemble de la ville. Il donna un coup d’œil aux îlots boisés, s’étonnant de rencontrer partout des Anglais en très grand nombre : il ignorait que depuis plusieurs générations, des familles anglaises, appréciant les agréments qu’offre la