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XXII

Le « Précurseur »

Un dimanche, Jean et son oncle, abandonnant l’étalage de petits livres, s’étaient dirigés du côté des Catalans : c’est comme un petit port dans une anse creusée dans les rochers de la pointe d’Endoume, en avant et à gauche du vieux port.

En passant au pied des murailles de l’abbaye de Saint-Victor, qui portent la trace du feu allumé par les Sarrasins, Jean se surprit à écouter le carillon égrenant lentement les notes d’un cantique, ou de cet air de « Marlborough » qui n’a pas toujours noté une chanson satirique, et qui a été l’air d’un cantique que psalmodiaient les Croisés en Terre-Sainte. Et alors il fit un retour vers les siècles écoulés, et tout ce qu’il y avait de vieux et d’antique dans la cité phocéenne qui date de 600 ans avant Jésus-Christ, lui apparut très distinct et tranchant avec l’apport des temps modernes.

En approchant des Catalans, ils virent un rassemblement au bord de la mer. Bientôt, ils apprirent que quelques mauvais sujets venaient de jeter à l’eau un Allemand, un joueur d’orgue : l’orgue gisait à terre avec sa courroie luisante ; l’Allemand se débattait dans l’onde amère comme un chien qui ne veut pas nager ; et les « marias » se tordaient de rire, retenant ceux des assistants qui voulaient se porter au secours du patient, objet de leur féroce amusement.

— Mais c’est Hans Meister ! s’écria Jean.

Jacob pâlit.

— C’est pour mon malheur qu’il reparaît sur mon chemin, murmura-t-il. Il faut le laisser, Jean… il faut le laisser se noyer.