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LES AVENTURIERS DE LA MER

attraper. Voyant cela, je me décide au dernier moyen de salut : une de mes embarcations est mise à l’eau, et, après avoir couru le risque de se briser vingt fois le long du bord, huit hommes réussissent à s’y embarquer ; mon second est dedans ; ils partent vent arrière, disparaissent et reparaissent bientôt entre les montagnes d’eau qui séparent les deux navires ; ils accostent sous le vent de la Léonie, ils me paraissent sauvés ; peu après, je vois mon canot filer sous une amarre, à l’arrière de ce navire. Mon anxiété est grande.

« Je ne comprends pas cette manœuvre : sans doute personne n’ose plus venir à notre secours. Mais on essaye de nous renvoyer le canot en le laissant couler sur une amarre. Cette opération échoue. Il faut absolument tenter de nous rapprocher. Le Jean-Baptiste, quoique à moitié plein d’eau, sent encore un peu son gouvernail. Je laisse porter ; la Léonie en fait autant pour passer à mon avant. La manœuvre allait se terminer heureusement lorsqu’une lame énorme prend la Léonie par l’arrière et la fait lancer dans le vent : un abordage devient imminent. Je mets toute la barre dessous ; le navire n’obéit plus et tombe sur l’avant de la Léonie, casse son bâton de foc, son petit mât de perroquet, hache son gréement de l’avant, déchire le cuivre de la muraille. Quelques secondes encore, et les bâtiments vont se défoncer et s’engloutir. La Providence veut qu’il n’en soit rien. Les deux navires se séparent.

« Deux de mes hommes ont sauté sur la Léonie au moment du choc ; nous ne restons plus que quatre. La roue de mon gouvernail est brisée ; les débris de la beaume et de la corne, qui fouettent en pendant, empêchent d’approcher du gouvernail ; une demi-heure se passe avant que je puisse faire couper tout ce qui les retient à bord.

« Enfin, je puis m’approcher du gouvernail ; la barre est mise pour aller rejoindre la Léonie, qui a beaucoup dérivé sous le vent, et se trouve déjà à une assez grande distance. Après une heure d’attente, je me vois de nouveau à deux encablures de ce navire. Malheureusement, mon canot a sombré, je suis désespéré. Il y a encore une baleinière à bord de la Léonie. Au bout de quelque temps, je vois manœuvrer pour sa mise à l’eau ; cinq hommes s’y embarquent, sans hésiter devant le péril auquel ils s’exposent, pour essayer une dernière fois de nous sauver. Ils arrivent sous le vent à nous. Là, nouvelles difficultés et nouveaux dangers. Le Jean-Baptiste roule comme une barrique, les lames le couvrent de l’avant à l’arrière ; la cale était remplie d’eau : l’un de