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LES AVENTURIERS DE LA MER


soudé à la banquise et dérivant dans une direction inconnue, tentent le retour par de rudes étapes faites à pied, en se traînant à travers les espaces gelés — terre et mer — et en jalonnant de cadavres la route parcourue.

Commençons par les révoltes d’équipages.

Bien des fois les marins d’un navire ont dû se débarrasser de leur capitaine. Ces faits n’ont pas été connus, ou ils ont été vite oubliés… L’histoire a pourtant gardé le souvenir du mécontentement des compagnons de Christophe Colomb ; elle demeure encore douloureusement émue du sort fait à Hudson par les hommes de son équipage…

Rappelons comment Hudson, le simple et rude pilote, allant à la recherche d’un passage entre l’Europe et l’Asie par l’océan Polaire, avait été rejeté hors de sa voie par des encombrements de glaces ; comment après sa découverte de la baie et du grand fleuve auxquels on a donné son nom, son navire se trouva par un hiver rigoureux soudé à la banquise : au printemps, lorsque Hudson voulut retourner en Angleterre, il constata que les vivres lui manqueraient en route. Il a consigné dans quelques lignes de son journal les angoisses qu’il éprouva quand il fut contraint d’employer l’autorité pour imposer à ses matelots un retranchement dans le rationnement devenu inévitable.

Mais ceux-ci ne comprirent pas cette dure nécessité ; ils conspirèrent contre leur capitaine, et le jetèrent dans une chaloupe avec son fils encore enfant, un candide amateur de science, nommé Woodhouse, qui avait suivi Hudson pour faire des observations astronomiques au pôle nord, le charpentier du bord et cinq matelots restés fidèles. Les rebelles leur donnèrent un fusil, quelques sabres et des provisions — pour un seul jour… On ne sut jamais quelles souffrances eurent à endurer le malheureux Hudson et ses compagnons d’infortune : leur abandon fut révélé par ceux mêmes qui en avaient décidé avec tant de cruauté.

La plus sérieuse rébellion que l’on connaisse est la grande mutinerie des escadres anglaises, en 1797. Quarante mille hommes y prirent part sur un seul point ; mais le nombre des mécontents s’élevait à plus du double. Les causes de désaffection étaient graves. À cette époque les matelots anglais peinaient beaucoup et recevaient peu d’encouragements. Depuis le règne de Charles II leur salaire était resté le même, tandis que tout avait renchéri. Leurs pensions de retraite n’avaient pas augmenté. Ils se trouvaient aussi à la discrétion des agents des vivres qui ne pensaient qu’à faire fortune. Enfin l’armée navale était compo-