Page:Améro - Les aventuriers de la mer.pdf/302

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
299
LES AVENTURIERS DE LA MER


Mais c’était une fausse alerte ; la voie d’eau n’existait pas. On reprit possession du navire ; on remonta à bord les vivres et le matériel.

Au cours de cette opération, la banquise est prise d’oscillation, la glace se brise avec fracas et plusieurs groupes demeurent séparés du steamer. Il y avait là autour du lieutenant Tyson, un Américain, un Anglais, un nègre, six matelots — tous les matelots du Polaris étaient allemands — de plus, huit ou neuf Esquimaux : Joë et sa femme Hannah, avec leur fille adoptive, la petite Puney, ramenés des États-Unis pour servir d’interprètes et de guides ; Hans et sa femme, pris dans la halte faite à Disco, et qui avaient avec eux quatre enfants.

Le Polaris avait disparu dans les ténèbres. La première pensée de Tyson fut de tenter de le rejoindre. Le lendemain on découvrit à une courte distance le steamer. Un des bateaux fut aussitôt traîné du côté de l’eau. Mais les hommes murmuraient, n’obéissaient qu’à moitié. Tyson cherche les rames, il n’en trouve plus que trois, point de gouvernail… Il fallait renoncer à se rapprocher du Polaris… Plus tard, le lieutenant Tyson apprit que rames et gouvernail avaient été cachés ; les matelots, ne comprenant pas le danger de leur situation, ne regrettaient nullement d’être séparés du steamer : ils savaient que, peu de temps auparavant, les marins de la Hansa, après avoir navigué plusieurs mois sur un glaçon, avaient été fêtés à leur retour en Allemagne et que le roi Guillaume leur avait fait donner une double paie. L’amour du gain les engageait, sans doute, à tenter l’aventure. Cette velléité imprudente décida du sort de tous.

On entrait justement dans la grande nuit du pôle ; le soleil s’était caché pour bien des jours ! Force était de s’établir sur un glaçon comme sur un radeau. Le 17, une partie du glaçon se détacha, emportant un des bateaux avec des vivres et d’autres « richesses » ; mais Tyson réussit à s’en emparer le 21. Cependant on ne pouvait songer à demeurer sur le glaçon, réduit à une surface de deux cents pas dans tous les sens. Il fallut passer sur un autre glaçon et s’y créer un abri sous plusieurs de ces huttes de neige que les Esquimaux appellent iglou.

Là, on eut à supporter un froid croissant, allant à 40 degrés et au-dessous, dans une nuit permanente, souffrir la faim, vivre de phoques, que prenaient Joë et Hans, d’un ours qu’on tua.

Et il y avait parmi ces naufragés deux femmes et les quatre enfants de Hans, dont le dernier-né à la mamelle, baptisé du nom de Polaris. Il est vrai qu’en leur qualité d’Esquimaux, roulés dans une peau de