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LES AVENTURIERS DE LA MER


force pour avancer peu ; les jours de pluie venaient augmenter la misère des malheureux voyageurs ; au campement, les averses fouettaient la toile des tentes, et c’était un bruit attristant ; les corvées s’accomplissaient avec des vêtements imbibés d’eau… Les malades trouvaient sous la tente un abri insuffisant.

D’ordinaire, un pilote prenait les devants et jalonnait la route avec des guidons noirs, tantôt au milieu d’un amoncellement inextricable de glaçons, tantôt à travers une plaine ravinée, et toujours des solutions de continuité exigeaient l’établissement de ponts formés de blocs rapprochés ; quand l’espace était trop large, le transbordement des canots et des traîneaux sur un radeau de glace devenait nécessaire.

Le 23 juin, le lieutenant de Long éprouva une cruelle déception. Après avoir pris l’altitude du soleil, et fait ses calculs pour déterminer sa position sur la glace, il fut forcé de reconnaître que depuis sept jours, loin d’avancer, on avait rétrogradé : la banquise tout entière dérivait au nord-ouest. Il se garda de communiquer les résultats de ses calculs à ses hommes, qui eussent été pris d’un profond découragement. Il les fit connaître seulement à l’ingénieur Melville et au docteur Ambler. Il évitait « brusquement » les questions que lui adressaient ses lieutenants Danenhover et Chipp. D’ailleurs, en ce moment-là, tout le monde était gai, on entendait même les hommes chanter en marchant. « Puissions-nous ainsi, écrit de Long, conserver longtemps notre santé et notre ardeur. »

Au lieu de poursuivre sa route au sud, de Long appuya au sud-ouest, espérant arriver ainsi plus tôt à l’extrémité de la banquise… Enfin on aperçoit une terre ; les brumes la dérobent ensuite aux regards, mais on voit de nombreux guillemots, quelques goélands, un pingouin ; le docteur prend un papillon vivant. Dix-sept jours après, les naufragés débarquaient sur cette terre, à laquelle de Long, heureux de cette découverte, donna le nom d’île Bennett.

Les naufragés passèrent huit jours sur l’île Bennett et, un peu reposés, reprirent leur marche, toujours difficile à travers les glaces désagrégées. Le 10 septembre, ils arrivèrent à l’île Séménoff. Mais la mauvaise saison était revenue, le froid, l’eau glacée paralysaient les mouvements ; les journées étaient de courte durée ; les vivres diminuaient sensiblement ; toutefois, le continent asiatique n’était plus qu’à quatre-vingts milles.

Comme la mer présentait quelques espaces libres de glaces, on en profitait pour faire voile avec les trois embarcations vers l’embouchure