Page:Amable Floquet - Anecdotes normandes, deuxieme edition, Cagniard, 1883.djvu/215

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différence, que vous quittâtes si obscur, loin de laquelle vous vécûtes quelque temps ignoré, Jouvenet aurait pu dire : calomnié ! Dans sa jeunesse, lorsque sans maître, sans guide, n’ayant point vu l’inspirante Italie, abandonné, enfin, à lui-même, il étudiait avec ardeur et succès un art qui devait l’honorer un jour, n’avait-on pas dit à sa famille qu’il perdait le temps dans les plaisirs de la capitale ; et des parents, trop crédules, ne voulaient-ils pas confiner à Rouen ce génie qui s’y fût éteint ? Le jeune peintre n’avait répondu à son père alarmé que par l’envoi de son premier chef-d’œuvre ; et, depuis ce temps, combien il s’était acquis de nouveaux titres de gloire ! la Résurrection de Lazare, la Pêche miraculeuse, la Descente de Croix, les Vendeurs chassés du Temple, les Douze Apôtres du dôme des Invalides, le Nunc dimittis des Jésuites de Rouen, étaient des créations sublimes, que Le Brun avait louées avec enthousiasme, et dont Louis-le-Grand avait noblement récompensé l’auteur. Paris, Versailles, Rennes, Bordeaux, Rouen, Toulouse, s’étaient disputé les merveilles du pinceau de l’illustre normand, jusqu’à l’époque où un événement affreux était venu arrêter cet homme étonnant au milieu de sa glorieuse carrière. La main droite de Jouvenet, cette main qui avait su, avec un succès égal, traiter, tour à tour, l’allégorie, le portrait, la fable et