Page:Amable Floquet - Anecdotes normandes, deuxieme edition, Cagniard, 1883.djvu/249

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Un jour, en octobre 1790, dans la cour du Palais de Justice, des carrosses en grand nombre attendaient leurs maîtres occupés dans la grande chambre dorée ; les chevaux, l’œil morne et la tête baissée, semblaient prendre leur part des humiliations infligées à leurs maîtres, et attendaient humblement le signal du départ. Enfin, descendirent, par le grand escalier, tous les membres du ci-devant Parlement de Normandie, revêtus de la toge qu’ils allaient déposer pour ne la plus revêtir jamais. C’en était fait de cette cour souveraine ; après trois siècles de durée, à son tour, il lui avait fallu entendre son arrêt de mort. Tous les carrosses partirent l’un après l’autre, et la cour du Palais demeura silencieuse et déserte. Chouquet avait tout vu, suivant d’un œil triste ces carrosses dorés, ces riches livrées qu’il ne devait plus revoir jamais. Vous pouvez penser si sa consternation était grande ; car, plus de Parlement, plus de déjeûners, plus de buvetiers, plus de messes-rouges, plus de courtisans, plus de puissance ; que faire donc, désormais, dans ce bas monde ? Admirez, toutefois, comme une rancune un peu vigoureuse est un sentiment vivace qui absorbe tous les autres ! Au plus fort de ses douleurs, de ses amertumes, de ses dernières salutations à messieurs du Parlement, un tout petit incident avait paru soutenir Chouquet défaillant et éperdu ; un rayon de