Page:Amable Floquet - Anecdotes normandes, deuxieme edition, Cagniard, 1883.djvu/284

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président l’ordonne, levez-vous, et dites ce qu’il en est, aujourd’hui, dans vos bailliages, de ce vieil usage ; dites si, dans chacun de vos vastes ressorts, on voit aussi, de génération en génération, les fils, les petits-fils, les arrière-petits-fils, errer mendiants et nus sur la terre, parce qu’autrefois un de leurs auteurs, condamné par la justice, expia son crime sur l’échafaud ? »

En ce moment, dans la grand’chambre du plaidoyer, barreau, juges, peuple ; tous avaient frémi. Fascinés par cette voix impérieuse et tonnante, les lieutenants des baillis, les vicomtes, les avocats du roi s’étaient levés tous ensemble, et ils répondirent aux questions du premier avocat du roi, Laurent Bigot, et du premier président Saint-Anthot. Ce fut une solennelle enquête par tourbes, l’une des dernières qu’ait vues la province ; enquête honteuse, disons-le, pour le bailliage de Rouen, le seul qui, maintenant, appliquât cette disposition du Coutumier, peu à peu tombée en désuétude dans les autres bailliages, où l’humanité, l’équité, la raison avaient su prévaloir, à trait de temps, sur tant de textes écrits. Le peuple, pour tout dire, en Caux, à Évreux, à Caen, dans le Cotentin, dans le Vexin normand, dans le Perche, avait tacitement abrogé, en ne l’appliquant plus, ce statut barbare ; et à Rouen même, on venait de l’entendre tout à l’heure, ce peuple, protester tout