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vre[1]. Du haut de ses berges escarpées et minées sans cesse, pendent, comme aux temps antiques, des broussailles et des arbustes. Le Tibre a toujours l’aspect d’un torrent qui sillonne un désert.

Les poëtes l’ont flatté, il n’a jamais été « le Tibre azuré, fleuve entre tous agréable au ciel » de Virgile :


Cæruleus Thybris eœlo gratissimus amnis,

(Virg., Æn., viii, 64.)


car le ciel n’a jamais pu réfléchir avec complaisance son image dans les eaux troubles et sales du fleuve limoneux.

Non, le caractère du Tibre est autre ; son air n’est pas gracieux, mais sévère, et cet air convenait à sa destinée. Quelle sombre physionomie devait avoir le Tibre lorsqu’il se précipitait sous de vieilles forêts, à travers des solitudes ! Les forêts ont été abattues, mais les solitudes sont restées, ou plutôt elles sont revenues, et l’on a, de nos jours, le spectacle de ce qu’était le Tibre avant Rome, quand, sortant par la Porte du peuple, tournant à gauche et faisant quelques pas sur la rive, on regarde par-dessus les eaux muettes la campagne silencieuse.

Seulement le lit du Tibre était alors plus profond. Le lit de tous les fleuves, surtout de ceux qui charrient

  1. Serv., Æn., viii, 95. Pour apprécier la justesse pittoresque de ce terme sacré, il suffit de jeter les yeux sur un plan de Rome et des environs.