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d’aller consulter l’oracle. On dit, il est vrai, que les fils de Tarquin l’avaient emmené avec eux pour se divertir de ses absurdités ; mais c’est donner à une chose grave un motif puéril.

La fable de la feinte stupidité de Brutus s’explique par son nom, qui pouvait recevoir une interprétation défavorable, bien que ce nom pût se prendre aussi dans un autre sens et exprimer la gravité, l’énergie[1]. Ce sens était, je n’en doute pas, le vrai sens du nom de Brutus.

Mais, comme un tel nom prêtait à l’équivoque, une légende a pu se former qui fit de Brutus le grave, le courageux, Brutus l’insensé. Il est possible qu’elle n’ait été qu’une exagération de la taciturnité prudente d’un parent suspect à Tarquin dont celui-ci avait fait périr le père et le frère aîné, et qui cachait, sous une apparence d’impassibilité, le désir de la vengeance. Dans tous les cas, on comprend que la version injurieuse de la légende ait été adoptée et propagée par le parti du roi que Brutus avait détrôné, et qu’elle ait passé de la tradition étrusque dans l’histoire romaine.

Tout ce qui avait précédé préparait une révolution prochaine. Les misères de la corvée n’en furent pas la seule cause et n’auraient pas suffi à l’amener.

  1. Brutum antiqui gravem dicebant. (P. Diac., p. 31.) Gravis se prenait pour fortis. Cette acception du mot gravis devait être ancienne ; car Servius, qui nous la fait connaître (Æn., XII, 458), cite Salluste, amateur, comme on sait, du vieux langage.