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Voilà bien le visage farouche, la barbe hirsute[1], les cheveux roides collés si rudement sur le front, la physionomie inculte et terrible du premier consul romain ; la bouche serrée respire la détermination et l’énergie ; les yeux, formés d’une matière jaunâtre, se détachent en clair sur le bronze noirci par les siècles et vous jettent un regard fixe et farouche. Tout près est la louve de bronze. Brutus est de la même famille. On sent qu’il y a du lait de cette louve dans les veines du second fondateur de Rome, comme dans les veines du premier, et que lui aussi, pareil au Romulus de la légende, marchera vers son but à travers le sang des siens.

Le buste de Brutus est placé sur un piédestal qui le met à la hauteur du regard. Là, dans un coin sombre, j’ai passé bien des moments face à face avec l’impitoyable fondateur de la liberté romaine.

Cet homme, d’une énergie formidable, passait pour avoir élevé sur le Cælius un temple à la déesse Carna ou Cardea, qui présidait au cœur, aux entrailles, aux parties vitales, à l’énergie physique et à l’énergie morale, que l’on confondait.

La déesse Carna était une de ces divinités chargées de veiller sur quelque partie de l’organisation, qui, ainsi que toutes celles qui se rapportaient à un détail de l’existence physique, était véritablement ro-

  1. Non hæc barbula qua iste (Clodius) delectatur, sed illa horrida quam in statuis antiquis et imaginibus videmus. (Cic. pro M. Cælio, 14.)