Page:Anatole France - Balthasar.djvu/119

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grosse comme le poing, ses regards de côté, son pas sautillant, ses bras courts soulevés comme des ailerons, lui donnaient, autant que possible et plus que de raison, l’aspect d’une volaille plumée.

Mon ami Le Mansel me dit que c’était son papa, mais qu’il fallait le laisser aller à la basse-cour, parce qu’il ne vivait que dans la compagnie de ses poules et qu’il avait perdu près d’elle l’habitude de causer avec les hommes. Pendant qu’il parlait, monsieur Le Mansel père disparut à nos yeux, et nous entendîmes bientôt des gloussements joyeux s’élever dans l’air. Il était dans sa cour.

Le Mansel fit avec moi quelques tours de jardin et m’avertit que tout à l’heure, au dîner, je verrais sa grand’mère ; que c’était une bonne dame, mais qu’il ne faudrait pas faire attention à ce qu’elle dirait, parce qu’elle avait quelquefois l’esprit dérangé. Puis il me mena dans une jolie charmille, et là il me dit à l’oreille, en rougissant :

— J’ai fait des vers sur Tiphaine Raguenel ; je te les dirai une autre fois. Tu verras ! tu verras !

La cloche sonna le dîner. Nous rentrâmes