Page:Anatole France - Balthasar.djvu/136

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Elle fit seller un cheval, et, suivie de son écuyer Francœur, elle se rendit au château des Clarides.

La duchesse des Clarides embrassa la comtesse de Blanchelande :

— Ma belle, quelle bonne fortune vous amène ?

— La fortune qui m’amène n’est point bonne ; écoutez-moi, amie. Nous fûmes mariées à peu d’années de distance et nous devînmes veuves par semblable aventure. Car en ce temps de chevalerie, les meilleurs périssent les premiers, et il faut être moine pour vivre longtemps. Quand vous devîntes mère, je l’étais depuis deux ans. Votre fille Abeille est belle comme le jour et mon petit Georges est sans méchanceté. Je vous aime et vous m’aimez. Or, apprenez que j’ai trouvé une rose blanche sur le coussin de mon prie-Dieu. Je vais mourir : je vous laisse mon fils.

La duchesse n’ignorait pas ce que la rose blanche annonce aux dames de Blanchelande. Elle se mit à pleurer et elle promit, au milieu des larmes, d’élever Abeille et Georges comme frère et sœur, et de ne rien donner à l’un sans que l’autre en eût la moitié.