Page:Anatole France - Balthasar.djvu/221

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— Madame, j’aime Abeille des Clarides et je ne veux d’autre dame qu’elle.

La reine, très pâle, mais plus belle encore, s’écria :

— Une fille mortelle, une grossière fille des hommes, cette Abeille, comment pouvez-vous aimer cela ?

— Je ne sais, mais je sais que je l’aime.

— C’est bon. Cela vous passera.

Et elle retint le jeune homme dans les délices du manoir de cristal.

Il ne savait pas ce que c’est qu’une femme et il ressemblait plus à Achille parmi les filles de Lycomède qu’à Tannhäuser dans le bourg enchanté. C’est pourquoi il errait tristement le long des murs de l’immense palais, cherchant une issue pour fuir ; mais il voyait de toutes parts l’empire magnifique et muet des ondes fermer sa prison lumineuse. À travers les murs transparents il regardait s’épanouir les anémones de mer et le corail fleurir, tandis qu’au-dessus des madrépores délicats et des étincelants coquillages, les poissons de pourpre, d’azur et d’or faisaient d’un coup de queue jaillir des étincelles. Ces merveilles ne le touchaient guère ; mais, bercé par les chants