Page:Anatole France - Balthasar.djvu/240

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— C’est la vérité, monseigneur ; mon nourrisson eut sa première dent à six mois et quatorze jours. Et à cette occasion la défunte duchesse me fit un présent. C’est la vérité.

— Eh bien, dites-nous, Maurille, ce que vous savez des Nains qui ont enlevé Abeille.

— Hélas ! monseigneur, je ne sais rien des Nains qui l’ont enlevée. Et comment voulez-vous qu’une vieille femme comme moi sache quelque chose ? Il y a beau temps que j’ai oublié le peu que j’avais appris et je n’ai pas même assez de mémoire pour me rappeler où j’ai pu fourrer mes lunettes. Il m’arrive de les chercher quand je les ai sur le nez. Goûtez cette boisson, elle est fraîche.

— À votre santé, Maurille ; mais on conte que votre mari connut quelque chose de l’enlèvement d’Abeille.

— C’est la vérité, monseigneur. Bien qu’il n’eût pas reçu d’instruction, il savait beaucoup de choses qu’il apprenait dans les auberges et les cabarets. Il n’oubliait rien. S’il était encore de ce monde et assis avec nous devant cette table, il vous conterait des histoires jusqu’à demain. Il m’en a dit tant et tant de toutes sortes qu’elles ont fait une fricassée dans ma tête