Page:Anatole France - Balthasar.djvu/27

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— Non, répondit le roi de Comagène, je ne le sens pas.

Elle le chassa ignominieusement et ordonna à son grand vizir de tout préparer pour un voyage en Éthiopie.

— Nous partons cette nuit même, dit-elle. Je te fais couper la tête si tout n’est pas prêt avant le coucher du soleil.

Puis, quand elle fut seule, elle se mit à sangloter.

— Je l’aime ! Il ne m’aime plus, et je l’aime ! soupirait-elle dans la sincérité de son cœur.

Or, une nuit qu’il était sur sa tour, pour observer l’étoile miraculeuse, Balthasar, abaissant le regard vers la terre, vit une longue file noire qui serpentait au loin sur le sable du désert comme une armée de fourmis. Peu à peu, ce qui semblait des fourmis grandit et devint assez net pour que le roi reconnût des chevaux, des chameaux et des éléphants.

La caravane s’étant approchée de la ville, Balthasar distingua les cimeterres luisants et les chevaux noirs des gardes de la reine de Saba. Il la reconnut elle-même. Et il fut saisi d’un grand trouble. Il sentit qu’il allait l’aimer encore. L’étoile brillait au zénith d’un éclat