Page:Anatole France - Balthasar.djvu/40

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penser aucun bien, puisqu’elle m’ouvrit les portes de l’Institut.

Encouragé par l’accueil flatteur que mes recherches en ce sens avaient reçu de plusieurs de mes nouveaux collègues, je fus tenté, un moment, d’embrasser dans un travail d’ensemble les poids et mesures en usage à Alexandrie sous le règne de Ptolémée Aulète (80-52). Mais je reconnus bientôt qu’un sujet si général ne peut être traité par un véritable érudit, et que la science sérieuse ne saurait l’aborder sans risquer de se compromettre dans toutes sortes d’aventures. Je sentis qu’en considérant plusieurs objets à la fois, je sortais des principes fondamentaux de l’archéologie. Si je confesse aujourd’hui mon erreur, si j’avoue l’enthousiasme inconcevable que m’inspira une conception tout à fait démesurée, je le fais dans l’intérêt des jeunes gens, qui apprendront, sur mon exemple, à vaincre l’imagination. Elle est notre plus cruelle ennemie. Tout savant qui n’a pas réussi à l’étouffer en lui est à jamais perdu pour l’érudition. Je frémis encore à la pensée des abîmes dans lesquels mon esprit aventureux allait me précipiter. J’étais à deux doigts de ce qu’on appelle