Page:Anatole France - Balthasar.djvu/74

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À ce nom, je rougis, je pâlis, j’eus peine à retenir un cri, et, quand je voulus répondre, il me fut impossible de parler. M. Safrac ne parut pas s’apercevoir de mon trouble.

— Si j’ai bonne mémoire, c’était votre meilleur camarade, ajouta-t-il. Vous êtes resté lié intimement avec lui, n’est-il pas vrai ? Je sais qu’il est entré dans la carrière diplomatique où on lui présage un bel avenir. Je souhaite qu’il soit appelé dans des temps meilleurs auprès du Saint-Siège. Vous avez en lui un ami fidèle et dévoué.

— Mon père, répondis-je avec effort, je vous parlerai demain de Paul d’Ervy et d’une autre personne.

M. Safrac me serra la main. Nous nous séparâmes et je me retirai dans la chambre qu’il m’avait fait préparer. Dans mon lit parfumé de lavande, je rêvai que j’étais encore enfant et qu’agenouillé dans la chapelle du collège j’admirais les femmes blanches et lumineuses dont la tribune était remplie, quand tout à coup une voix, sortie d’un nuage, parla au-dessus de ma tête et dit : « Ary, tu crois les aimer en Dieu, mais c’est Dieu que tu aimes en elles. »