Page:Anatole France - Balthasar.djvu/9

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

que les hommes et les dieux sabéens veillaient sur elle.

— Pourtant, ajouta-t-elle en soupirant, je voudrais sentir pendant la nuit le froid délicieux de l’épouvante pénétrer dans ma chair. Je voudrais sentir mes cheveux se dresser sur ma tête. Oh ! ce serait si bon d’avoir peur !

Elle noua ses bras au cou du roi noir et dit de la voix d’un enfant qui supplie :

— Voici la nuit venue. Allons tous deux par la ville sous un déguisement. Voulez-vous ?

Il voulut. Aussitôt elle courut à la fenêtre et regarda, à travers le treillis, sur la place publique.

— Un mendiant, dit-elle, est couché contre le mur du palais. Donnez-lui vos vêtements et demandez-lui en échange son turban en poil de chameau et l’étoffe grossière dont il se ceint les reins. Faites vite, je vais m’apprêter.

Et elle courut hors de la salle du banquet en frappant ses mains l’une contre l’autre pour marquer sa joie.

Balthasar quitta sa tunique de lin, brodée d’or, et ceignit le jupon du mendiant. Il avait l’air ainsi d’un véritable esclave. La reine