Page:Anatole France - Filles et garçons.djvu/24

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« Oh ! qu’il est drôle : qu’il est drôle ! »

Elle rit mais le petit Jean ne rit pas. Il est triste, et surpris que ce soit fini et qu’il ne soit plus beau. Il lui en coûte de redevenir ordinaire.

Maintenant la couronne dénouée s’est répandue à terre et le petit Jean est
redevenu semblable à l’un de nous. Non, il n’est plus beau. Mais c’est encore un solide gaillard. Il a ressaisi son fouet et le voilà qui tire de l’ornière les six chevaux de ses rêves.

Catherine joue encore avec ses fleurs. Mais il y en a qui meurent. Il y en a d’autres qui s’endorment. Car les fleurs ont leur sommeil comme les animaux, et voici que les campanules, cueillies quelques heures auparavant, ferment leurs cloches violettes et s’endorment dans les petites mains qui les ont séparées de la vie.

Un souffle léger passe dans l’air et Catherine frissonne. C’est le soir qui vient.

« J’ai faim », dit le petit Jean.

Mais Catherine n’a pas un morceau de pain à donner à son petit frère.

Elle lui dit :

« Mon petit frère, retournons à la maison. »

Et ils songent tous deux à la soupe aux choux qui fume dans la marmite pendue à la crémaillère, au milieu de la grande cheminée. Catherine amasse ses fleurs sur son bras et, prenant son petit frère par la main, le conduit vers la maison.

Le soleil descendait lentement à l’horizon rougi. Les hirondelles, dans leur vol, effleuraient les enfants de leurs ailes immobiles. Le soir était venu. Catherine et Jean se pressèrent l’un contre l’autre.

Catherine laissait tomber une à une ses fleurs sur la route. Ils entendaient, dans le grand silence, la crécelle infatigable du grillon. Ils avaient peur tous deux et ils