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le procurateur de judée

pleurer en haine de moi. À les entendre, rien n’était plus éloigné de leur pensée que de désobéir à César. J’étais un provocateur, et c’est pour résister à mes violences qu’ils s’étaient assemblés autour de Tyrathaba. Vitellius entendit leurs plaintes et, confiant les affaires de Judée à son ami Marcellus, il m’ordonna d’aller me justifier devant l’empereur. Le cœur gros de douleur et de ressentiment, je pris la mer. Quand j’abordai les côtes d’Italie, Tibère, usé par l’âge et l’empire, mourait subitement sur le cap Misène dont on voit d’ici la corne s’allonger dans la brume du soir. Je demandai justice à Caïus, son successeur, qui avait l’esprit naturellement vif et connaissait les affaires de Syrie. Mais admire avec moi, Lamia, l’injure de la fortune obstinée à ma perte. Caïus retenait alors près de lui, dans la Ville, le juif Agrippa, son compagnon, son ami d’enfance, qu’il chérissait plus que ses yeux. Or, Agrippa favorisait Vitellius parce que Vitellius était l’ennemi d’Antipas qu’Agrippa poursuivait de sa haine. L’empereur suivit le sentiment de son cher asiatique et refusa même de m’entendre. Il me fallut rester sous le coup