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— Monsieur l’abbé, dit le professeur, vous méprisez la science.

Le prêtre secoua la tête.

— Non pas, monsieur Bergeret, non pas ! Je tiens au contraire, sur l’exemple de saint Thomas d’Aquin et de tous les grands docteurs, que la science et la philosophie doivent être tenues en estime dans les écoles. On ne méprise pas la science sans mépriser la raison ; on ne méprise pas la raison sans mépriser l’homme ; on ne méprise pas l’homme sans offenser Dieu. Le scepticisme imprudent qui s’en prend à la raison humaine est le premier degré de ce scepticisme criminel qui s’attaque aux mystères divins. J’estime la science comme un bienfait qui nous vient de Dieu. Mais si Dieu nous a donné la science, il ne nous a pas donné sa science. Sa géométrie n’est pas la nôtre. La nôtre spécule sur un plan ou dans l’espace, la sienne s’exerce dans l’infini. Il ne nous a pas trompés : c’est pourquoi j’estime qu’il y