Page:Anatole France - La Révolte des anges.djvu/125

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

mangèrent. Loth, ayant reçu deux anges dans sa maison, fit cuire des pains sans levain, et ils mangèrent. Arcade reçut d’un garçon crasseux un beafsteack coriace, et il mangea. Cependant il songeait aux doux loisirs, aux repos, aux délicieuses études qu’il avait quittés, à la lourde tâche qu’il avait assumée, aux travaux, aux fatigues, aux périls qu’il se préparait, et son âme était triste et son cœur se troublait.

Comme il achevait son modique repas, un jeune homme de pauvre mine et de mince vêtement entra dans la salle et, ayant du regard parcouru les tables, s’approcha de l’ange et le salua du nom d’Abdiel, parce qu’il était lui-même un esprit céleste.

— Je savais bien, Mirar, que tu viendrais à mon appel, répondit Arcade, donnant pareillement à son frère angélique le nom que celui-ci portait autrefois dans le ciel.

Mais la mémoire de Mirar y était perdue depuis que cet archange avait quitté le service de Dieu. Il se nommait Théophile Belais sur la terre, et, pour gagner son pain, donnait, le jour, des leçons de musique à de jeunes enfants, la nuit, jouait du violon dans les bastringues.