Page:Anatole France - La Révolte des anges.djvu/150

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nue, la tête, les bras, le buste entier passés par la fenêtre à tabatière, il déposait sur le toit sa marmite de fonte, dans la crainte d’une perquisition dont il était sans cesse menacé. Mû par une immense pitié pour les misères de ce monde où il était exilé, sensible, peut-être, à la rumeur qu’y soulevait son nom, enivré de sa propre vertu, il exerçait l’apostolat de l’humanité et, négligeant la tâche qu’il s’était donnée en tombant sur la terre, il ne pensait plus à délivrer les anges. Arcade, qui ne songeait, au contraire, qu’à rentrer en vainqueur dans le ciel conquis, reprochait au kéroub d’oublier sa patrie. Le prince Istar, avec un gros rire farouche et naïf, reconnaissait qu’il ne préférait pas les anges aux hommes.

— Si je m’efforce, répondait-il à son frère céleste, de soulever la France et l’Europe, c’est que le jour se lève, qui verra triompher la révolution sociale. On a plaisir à semer sur ce sol profondément labouré. Les Français ayant passé de la féodalité à la monarchie et de la monarchie à l’oligarchie financière, passeront facilement de l’oligarchie financière à l’anarchie.