Page:Anatole France - La Révolte des anges.djvu/244

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eux, vassal contre suzerain, suzerain contre vassal, les seigneurs imaginèrent d’aller guerroyer en Orient. Ils disaient, autant qu’il m’en souvienne, qu’ils allaient délivrer le tombeau du fils de Dieu. Ils le disaient ; mais leur esprit aventureux et cupide les excitait à chercher au loin des terres, des femmes, des esclaves, de l’or, de la myrrhe et de l’encens. Ces expéditions, ai-je besoin de le dire ? furent désastreuses ; mais nos épais compatriotes en rapportèrent la connaissance des métiers et des arts orientaux et un goût de somptuosité. Dès lors, nous eûmes moins de peine à les faire travailler et à les mettre sur la voie des inventions. Nous bâtîmes des églises merveilleusement belles, avec des arcs audacieusement brisés, des fenêtres en lancettes, de hautes tours, des milliers de clochetons, des flèches aiguës, qui, montant vers le ciel d’Iahveh, lui portaient à la fois les prières des humbles et les menaces des superbes, car tout cela était notre œuvre autant que celle des mains humaines, et c’était un spectacle étrange que de voir travailler ensemble à la cathédrale les hommes et les démons, chacun sciant,