Page:Anatole France - La Révolte des anges.djvu/251

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une réforme qui sauve ce qui allait être détruit. En vain les plus habiles d’entre nous tentèrent de le détourner de son œuvre. Un démon subtil, qu’on nomme sur la terre Belzébuth, s’attache à lui, tantôt l’embarrassant par les arguments d’une savante controverse, tantôt le harcelant par de cruelles espiègleries.

» L’obstiné moine lui jette son encrier à la tête et poursuit la triste réformation. Que dire enfin ? le robuste nautonier radouba, calfata, renfloua la nef avariée de l’Église. Jésus-Christ doit à ce frocard de voir son naufrage retardé de plus de dix siècles peut-être. Dès lors, les choses allèrent de mal en pis. Après ce gros encapuchonné, buveur et querelleur, vint le long et sec docteur de Genève, plein de l’esprit de l’antique Iahveh, qui s’efforçait de ramener le monde aux temps abominables de Josué et des Juges d’Israël, maniaque froidement furieux, hérétique brûleur d’hérétiques, le plus féroce ennemi des Grâces.

» Ces enragés apôtres et leurs enragés disciples faisaient regretter même aux démons comme moi, aux diables cornus, le temps où le Fils régnait avec sa Mère virginale sur les