Page:Anatole France - La Révolte des anges.djvu/255

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Les femmes inventèrent la conversation, l’épître familière et la politesse ; les mœurs prirent une douceur et une noblesse inconnues aux âges précédents. Un des meilleurs esprits du siècle raisonnable, l’aimable Bernier, écrivit un jour à Saint-Évremont. « C’est un grand péché que de se priver d’un plaisir. » Et ce seul propos suffirait à découvrir le progrès des intelligences en Europe. Non qu’il n’y ait pas toujours eu des épicuriens, mais ils n’avaient pas la conscience de leur génie comme Bernier, Chapelle et Molière. Alors les dévots eux-mêmes comprenaient la nature. Et Racine, tout bigot qu’il était, savait aussi bien qu’un physicien athée, comme Guy-Patin, rapporter aux divers états des organes les passions qui agitent les hommes.

» Dans mon abbaye même, où j’étais rentré après la tourmente, et qui n’abritait guère que des ignorants et des pense-petit, un jeune religieux, moins ignare que les autres, me confia que le Saint-Esprit s’exprime en mauvais grec pour humilier les savants.

» Et toutefois la théologie et la controverse sévissaient encore dans cette société raison-