Page:Anatole France - La Révolte des anges.djvu/275

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matin, elle venait, son cabas sous le bras, rôder autour du magasin d’antiquités, et, furieuse et désolée, agitée de pensées contraires, elle méditait de coiffer l’infidèle d’une marmite de vitriol, ou de se jeter à ses pieds et de tremper de larmes et de baisers ses mains adorées. Un jour qu’elle épiait ainsi ce Michel si cher et si coupable, regardant à travers la glace la jeune Octavie qui brodait devant la table où mourait une rose dans un verre de cristal, Zéphyrine, transportée de fureur, abattit son parapluie sur la tête blonde de sa rivale et l’appela femelle et gadoue. Octavie s’enfuit épouvantée et alla chercher les agents, tandis que Zéphyrine, folle de douleur et d’amour, labourait du fer de son vieux riflard la Gimblette de Fragonard, le saint François fuligineux du Gréco, et les vierges et les nymphes et les apôtres, et faisait sauter les ors du Fra Angelico en criant :

— Tous ces tableaux-là, le Gréco, le Beato Angelico, le Fragonard, le Gérard David, et les Baudouins, oui, les Baudouins, tous, tous, tous, c’est Guinardon qui les a peints, le misérable, le gredin. Et ce Fra Angelico-là, je le lui ai vu