Page:Anatole France - La Révolte des anges.djvu/382

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d’Aline, reine de Golconde. Maurice, le bras en écharpe, s’exerçait à tirer de la main gauche avec le Japonais, faisait jaillir des étincelles du pavé et criait « touché » d’une voix perçante.

Cependant, le brigadier Grolle, au coin de la rue voisine, songeait. Il avait la carrure d’un légionnaire romain et portait tous les caractères de cette race superbement servile qui, depuis que les hommes ont bâti des cités, conserve les empires et soutient les dynasties. Le brigadier Grolle était plein de force et pourtant très las. Il pâtissait d’un dur métier et d’une maigre nourriture ; homme de devoir, mais homme, il ne pouvait résister aux incantations, aux charmes et aux blandices des filles galantes, qu’il rencontrait par essaims, dans l’ombre, le long des boulevards déserts, autour des terrains vagues ; il les aimait. Il les aimait en soldat, debout sous les armes, et il en éprouvait une fatigue, que surmontait son courage. N’ayant point encore atteint le milieu du chemin de la vie, il aspirait au doux repos et aux paisibles travaux des champs. À l’angle de la rue Muller, par cette nuit douce, il songeait ; il songeait à la maison natale, au petit bois d’oliviers, au clos