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Zéphyrine, le modèle préféré de Paul Baudry, Zéphyrine qui prêta sa chevelure blonde et ses épaules nacrées à tant de Madeleines, de Marguerites, de sylphides et d’ondines, Zéphyrine qui fut aimée, dit-on, de l’empereur Napoléon III, se tenait aux pieds de l’échelle, la crinière emmêlée, la face terreuse, les yeux éraillés, le menton fleuri de longs poils, plus vieille que le père Guinardon, dont elle partageait la vie depuis plus d’un demi-siècle. Elle apportait dans un cabas le déjeuner du peintre.

Bien que, à travers la fenêtre lamée de plomb et grillée, le jour glissât oblique et froid, la couleur de Delacroix resplendissait et les carnations des hommes et des anges rivalisaient d’éclat avec la trogne rutilante du père Guinardon, qui s’enlevait sur une colonne du temple. Ces peintures murales de la chapelle des Anges, raillées, insultées à leur apparition, entrées maintenant dans la tradition classique, ont rejoint dans l’immortalité les chefs-d’œuvre de Rubens et du Tintoret.

Le vieux Guinardon, barbu et chevelu, semblait le Temps effaçant les ouvrages du Génie. Gaétan, effrayé, lui cria :