Page:Anatole France - La Révolte des anges.djvu/57

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selle Cécile, jambes et cuisses admirables. » Et pour faire de mademoiselle Cécile une sainte du paradis, il lui mit une robe, un manteau, un voile, lui infligeant ainsi une honteuse déchéance, puisque les tissus de Lyon et de Gênes sont vils au prix d’un tissu vivant et jeune, rosé par un sang pur ; puisque les plus belles draperies sont méprisables si on les compare aux lignes d’un beau corps et qu’enfin le vêtement est, pour la chair nubile et désirable, une honte imméritée et la pire des humiliations.

Et Gaétan, posant négligemment les pieds dans le ruisseau gelé de la rue Garancière, poursuivait :

— Le père Guinardon est un idiot malfaisant. Il blasphème l’antiquité, la sainte antiquité, le temps où les dieux étaient bons. Il exalte une époque où le peintre et le sculpteur avaient tout à rapprendre. En réalité le christianisme a été contraire à l’art, en ce qu’il n’a pas favorisé l’étude du nu. L’art, c’est la représentation de la nature, et la nature par excellence, c’est le corps humain, c’est le nu.

— Permettez, permettez, susurra le père Sariette. Il y a une beauté spirituelle et pour