Page:Anatole France - La Vie en fleur.djvu/109

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nait devant la nécessité, maîtresse des hommes et des dieux, et il terminait la lecture du classement par les noms de Morlot, Laboriette et Chazal, sans commentaire inutile. Donc, en cas de défaite, Morlot, Laboriette et Chazal, si j’ose dire, assuraient mes derrières. Cette garantie n’était pas superflue et me devenait de jour en jour plus nécessaire. Je tendais à descendre, une secrète et maligne influence m’inclinait vers les rangs inférieurs. Comment me le dissimuler, quand M. Beaussier le constatait avec l’âpre joie d’une âme droite qui applaudit aux rigueurs de la justice ; quand ma mère, humiliée dans son plus cher orgueil, s’en plaignait durant les repas, que ses reproches me rendaient amers ; quand mon père gardait un silence réprobateur ; quand la bonne Justine, elle-même, perdant tout respect pour son petit maître, lui opposait l’exemple de son frère Symphorien, qui, pas plus haut qu’une botte, remportait tous les prix, chez les frères ? Je m’affligeais de cet abaissement progressif ; et j’en cherchais vainement la cause, ne songeant pas à l’attribuer à ce que je ne prenais nulle connaissance de ce qui se disait et se faisait dans la classe. Et je ne cessais de