Page:Anatole France - La Vie en fleur.djvu/124

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— Je le deviens. C’est vrai ; je diminue. Je deviendrai bientôt petit, petit.

Le repas était vraiment très beau. Il y eut des œufs à la neige servis dans de grands saladiers et l’on versa le vin de Champagne. Nous devînmes très gais. Laperlière lui-même consentit à trinquer avec moi et je choquai vingt fois mon verre contre celui de mon cher Mouron. Je lui contai l’histoire de la portière qui jette un seau d’eau au visage de son propriétaire en croyant le jeter aux polissons qui sonnaient à la porte. Il me dit avec un rire, que coupait par intervalles une petite toux sèche, l’aventure du marchand de marrons qui voit partir sa poêle attachée par une ficelle à la roue d’un fiacre. Puis nous célébrâmes Spartacus, Épaminondas et le général Hoche. Quant à Charlemagne, il nous paraissait un peu risible à cause de sa grande barbe.

— Tu sais, me dit Mouron, il est allé combattre les Normands avec vingt mille francs.

Je crois que nous étions un peu ivres. Et c’est un fait certain que je quittai le banquet emportant, par mégarde, ma serviette dans ma poche. J’accompagnai Mouron jusqu’à sa