Page:Anatole France - La Vie en fleur.djvu/135

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saule dont le cristal de l’eau réfléchit le pâle feuillage ; elle en cueillait une branche pour en faire de bizarres guirlandes avec des renoncules, des orties, des marguerites et ces fleurs rougeâtres… que nos jeunes filles appellent des doigts de morts. Comme elle se penchait pour suspendre sa guirlande aux rameaux pendants, une malheureuse branche se rompit, elle tombe avec sa moisson dans le triste ruisseau, ses vêtements s’enflent et s’étalent et la soutiennent un moment comme une fée des eaux. Pendant ce temps elle chantait des bribes de vieilles ballades, sans conscience du danger. »

Quelques jours, peut-être quelques semaines après être allé dans cette maison de la rue Duphot, où j’avais ressenti une profonde émotion, j’appris de mes parents, parmi divers propos de table, que M. Marc Ribert avait quitté définitivement Paris où il ne pouvait plus vivre et s’était retiré dans un petit village au bord de la Gironde, chez des parents qui cultivaient la vigne, et qu’il avait emmené avec lui sa fille Bérengère, dont la santé donnait des inquiétudes. Cette nouvelle m’attrista sans me surprendre. Je m’attendais à apprendre de ce côté de grandes tristesses.