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phose de M. Mésange en oiseau. Pour ceux qui le pourraient ignorer, il faut dire que M. Mésange, notre professeur de mathématiques, portait en cette vie transitoire un corps immense, informe, portenteux, d’une pesanteur inique, sous laquelle il succombait. Cette masse indigeste ruisselait d’une transpiration perpétuelle, et il s’en exhalait une buée chaude, très agréable aux mouches. Or, la nature ayant joint sans discernement à ce tronc monstrueux des bras d’enfant, M. Mésange ne pouvait sans peine chasser les insectes ailés qui venaient par essaims se nourrir sur son crâne onctueux.

Et, tandis qu’il nous enseignait les propriétés des nombres, il contemplait d’un œil d’envie les oiseaux légers qui becquetaient les miettes de pain dans la cour. Aussi était-ce dans un esprit de bienveillance que Maxime Denis chantait la métamorphose du professeur obèse en cet oiseau, chasseur d’abeilles, dont il portait le nom. Je n’ai de ce poème retenu qu’un vers, dont on goûtera l’élégante latinité :

Versicolorque merops, apibus certissima fessis

Pernicies…

Ainsi, sous l’œil soupçonneux du surveillant Pélissier, nous échangions des idées ou riantes