Page:Anatole France - La Vie en fleur.djvu/168

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avec des larmes et des frissons d’admiration. À mes jours d’agitation succédaient des jours de torpeur.

Tandis que, par une chaude journée, je sommeillais dans mon bois, sous la feuillée que le soleil criblait de ses flèches d’or, je fus réveillé par une main qui se posait sur mon visage. C’était la fille de mon hôte, mademoiselle Mathilde, qui écrasait des mûres sur mes joues et mes tempes, imitant, sans le savoir, Églé, la plus belle des naïades, qui barbouillait de ce jus empourpré le visage de Silène endormi. Mais Mathilde Gonse, qui me savait sans génie, ne me demanda pas comme Églé au divin Silène un de ces chants qui charment les bergers, les faunes et les bêtes sauvages. Sans attendre mon réveil, elle s’enfuit vivement en jetant un rire moqueur.