Page:Anatole France - La Vie en fleur.djvu/195

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pour lui ni pour les autres, me transporta sans souffler du grand amphithéâtre à la salle où des candidats passaient l’examen de licence. Les examinateurs y procédaient avec quelque solennité et de manière à frapper les imaginations. Ils siégeaient en robe à une table dont le tapis vert retombait amplement ; ils siégeaient au nombre de trois, comme les juges des enfers, et dominaient le candidat diminué et aplati devant eux. Le juge qui tenait le milieu de la table était volumineux, important et crasseux. C’est lui qui interrogeait quand nous entrâmes dans la salle. Il ne songeait visiblement qu’à faire paraître sa puissance et à se rendre redoutable. Il imprimait à ses questions une imposante solennité, il les enveloppait parfois d’une obscurité insidieuse, à l’exemple de Sphinx, vierge cruelle, et il les poussait d’une voix de taureau, à laquelle le candidat répondait par un souffle faible et tremblant. Le juge qui se tenait à sa droite prit la parole après lui. Il était petit, maigre, vert comme un perroquet et parlait d’une voix aiguë qui lui sortait du haut de la tête. De toute évidence, il conduisit son examen, moins pour éprouver la force du candidat qu’afin de cribler de sarcasmes