Page:Anatole France - La Vie en fleur.djvu/208

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Ternes où il avait un petit logement plein de livres et de gravures. Je l’aimais chèrement, mais je le fréquentais peu, n’espérant pas que ma conversation fût pour l’intéresser. Peut-être qu’en quelques personnes, qui vivent encore, demeure le souvenir de cet homme excellent. Sans les connaître je suis en communion avec elles. Louis de Ronchaud a laissé des poésies qui témoignent de la beauté de son âme et des livres d’un grand mérite, sur l’art grec qu’il aimait avec enthousiasme et sagesse. Lamartine, dont il était l’ami, lui a consacré un des numéros de son Cours familier de Littérature. À l’époque où mes souvenirs me ramènent, M. de Ronchaud n’était plus jeune, sans être vieux. Qui l’a connu sait bien qu’il ne fut vieux à aucun âge de sa longue vie, car il ne cessa jamais d’aimer. Quelques fils d’or traînaient encore dans les lambeaux décolorés de sa chevelure. La peau fine de son front se marbrait de toutes les nuances du rose. Sa moustache éteignait ses anciens feux. Il portait avec élégance un habit à la française, semé de taches et tout râpé. Sa voix était chaude ; son débit, un peu lourd, plaisait et attachait. Il me parla avec enthousiasme d’une