Page:Anatole France - La Vie en fleur.djvu/24

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cherchait, il fouillait dans les goussets de son gilet comme pour y trouver les endroits difficiles de son itinéraire. Fontanet le regardait avec le mauvais sérieux de son museau de renard ; je me mordais les lèvres ; tout à coup j’éclatai de rire, mon camarade en fit autant, et nous nous enfuîmes de toutes nos jambes, non pas toutefois assez vite pour ne pas entendre le vieillard interdit nous traiter de drôles et de polissons.

Justine, ne comprenant rien à notre fuite précipitée, et craignant de nous voir lui échapper, peut-être pour toujours, se demandant déjà comment elle oserait reparaître sans moi devant ma mère, prit sa course dans la rue encombrée et sombre et nous poursuivit à travers tous les obstacles, se heurtant sur son passage aux êtres et aux choses et tombant sous une voiture à bras.

Elle nous retrouva devant la poêle de l’Auvergnat au coin de la rue de l’Université. Fontanet achetait pour deux sous de marrons sur la caisse des pauvres honteux. Justine nous reprocha notre conduite. Nous lui offrîmes un marron. La chair est faible ; elle le mangea en murmurant.