Page:Anatole France - La Vie en fleur.djvu/250

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menade à cheval au bois, avec quelques camarades. Il m’invitait à l’accompagner sur un cheval de louage. J’aimais le cheval, mais je n’avais pas d’argent. Je refusai. Fontanet, feignant de se méprendre sur les raisons de mon refus, me dit :

— Tu as tort, on t’aurait donné, au manège, un cheval très doux, que tu aurais pu monter sans crainte.

En ce temps-là, je vis chez le célèbre Verdier, boulevard des Capucines, une canne de jonc avec une pomme de lapis lazuli, pour laquelle j’éprouvai un sentiment qui tenait de l’amour par sa douceur et sa violence. Elle était bien belle aussi ! J’étais destiné à ne jamais la voir qu’à travers les glaces du magasin. Le boulevard des Capucines était très élégant alors et la boutique de Verdier d’une richesse qui m’en défendait l’entrée.

J’étais loin d’être un beau garçon et le pis est que je manquais de hardiesse. Cela me nuisait auprès des femmes. J’aimais éperdument celles qui étaient belles, j’entends celles qui faisaient figure de femmes, et le trouble qu’elles me donnaient m’ôtait près d’elles toute faculté, en sorte que je n’étais en communication