Page:Anatole France - La Vie en fleur.djvu/275

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de la vie jusqu’aujourd’hui, la terre est vouée au meurtre et elle suivra sa vocation jusqu’à ce que la vie s’en retire. Tuer pour vivre sera sa loi éternelle.

Je songeais à cette obligation à laquelle nul de nous ne peut échapper. Le soleil s’était couché, j’ouvris ma fenêtre, je regardai s’allumer les premières étoiles et je songeais avec horreur que la destinée de ce monde, loin d’être unique, dans son atrocité, était peut-être la destinée de myriades et de myriades de mondes, et que dans les espaces infinis, partout où se trouvaient des vivants, ils étaient peut-être soumis à la même loi qui nous est imposée. Les mondes sont-ils peuplés ? Les seules planètes que nous voyons, que nous verrons jamais, sont celles de notre système. Elles sont nos sœurs, et comme nous, les filles du soleil. Mais elles ne sont pas nées en même temps que nous, ni placées à égale distance de l’astre qui donne la vie. Les unes sont peut-être trop jeunes encore pour enfanter, les autres trop vieilles. Il en est qu’enveloppe une atmosphère épaisse et qui semble étouffante ; il en est dont l’air trop rare serait irrespirable pour des êtres comme nous ; celles que nous