Page:Anatole France - La Vie en fleur.djvu/304

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Je pensai que mon départ lui causait ce profond chagrin qu’elle ne pouvait cacher et il me fallut bien en conclure qu’elle m’aimait. Je ne m’en étais pas encore aperçu ; il m’avait paru, au contraire, qu’elle ne me distinguait pas de tant de bons camarades avec lesquels elle se montrait obligeante et familière. Bien que subite, ma découverte ne m’étonna pas. Tout de suite cet amour me parut vraisemblable, naturel, dans l’ordre des choses. Selon moi, la vive intelligence de Philippine, son goût exquis, sa philosophie devaient l’y porter.

Elle m’en parut, sinon plus jolie, du moins plus agréable. Comme la conversation languissait, j’imaginai qu’au moment des adieux, elle me dirait à l’oreille : « Ne partez pas », que je lui répondrais : « Eh bien ! Philippine, je reste » et que la joie que je verrais alors briller sur son visage me comblerait de bonheur. Et qui sait ? Peut-être la joie embellirait-elle cette aimable fille. « Elle est changeante », pensais-je.

Je me levai pour prendre congé. Voyant que le poêle était près de s’éteindre, Philippine courut en jurant et maugréant le ranimer.