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Page:Anatole France - La Vie en fleur.djvu/329

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fection où nous les avons poussées. Mais l’Histoire montre que cet apport des générations n’est pas continu. On sait des époques où toute culture a péri dans de vastes contrées. Et alors même qu’en des périodes heureuses les générations ont ajouté successivement leur part à l’achèvement des sciences, il ne paraît pas que l’avancement des connaissances et la multiplicité des inventions aient beaucoup amélioré les mœurs. Et ce qui, à mon sens, est le plus désespérant, c’est de voir que, quand une science apporte, en se perfectionnant, une connaissance nouvelle et certaine des choses, quand l’astronomie, par exemple, nous révèle la structure de l’univers, les hommes cultivés ne sachent pas hausser leur intelligence jusqu’à refuser leur créance à tout ce qui ne s’accorde pas avec cette nouvelle idée de l’univers qui leur est imposée. Mais non, ils conservent leurs antiques erreurs, dont la fausseté est démontrée, faisant preuve ainsi d’une désolante stupidité ! Vantez le progrès, messieurs, enorgueillissez-vous de votre aptitude croissante à la perfection, glorifiez-vous, marchez en chantant vos louanges, jusqu’à ce que vous fassiez la culbute. »