Page:Anatole France - La Vie en fleur.djvu/333

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la fortune qu’on espérait pour elle et qu’il avait fallu l’interrompre dès ses commencements. J’ajoutai que j’y avais perdu un emploi agréable et singulièrement utile, et que, maintenant, je collaborais à un grand dictionnaire d’antiquités ; mais que la tâche était plus difficile et moins bien payée.

— S’occuper à de tels travaux, me répondit-il, rédiger des notices sur les artistes anciens et des articles sur des sujets d’archéologie, fort bien. C’est une tâche qui ne nourrit pas son homme, mais qui, à cela près, est sans inconvénient pour celui qui l’entreprend, à condition qu’il y soit apte. Une bonne compilation ne compromet pas celui qui la mène à bien et même peut lui valoir quelque honneur, sans lui faire courir beaucoup de dangers. Il n’en est pas de même, mon ami, de toute œuvre littéraire où l’auteur met la marque de son esprit, se signale, se révèle, se répand, enfin cherche à marquer dans la poésie, dans le roman, dans la philosophie ou l’histoire. C’est une aventure qu’il ne faut pas tenter si l’on a souci de sa tranquillité et de son indépendance. Publier un livre original, c’est courir un terrible péril. Crois-moi, mon ami : cache ton