Page:Anatole France - La Vie en fleur.djvu/335

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ne diront rien. Tu en éprouveras aussi de grandes douleurs. Ce seront tes livres les plus médiocres qu’ils préféreront. Et quand tu auras écrit des pages hardies et profondes, qui passent le commun des lecteurs, ils ne te suivront pas. Et les jaloux seront toujours là pour t’achever.

» N’écris pas ! »

C’était le monsieur Dubois des anciens jours. C’était monsieur Dubois retrouvé. Même il taquina ma mère et lui exposa l’usage et les avantages des moulins à prières.

Quand il fut parti, ma mère, qui le suivait des yeux dans la cour, dit qu’il allait d’un pas plus ferme et d’une plus belle allure que les jeunes gens d’aujourd’hui. Elle m’embrassa sur le cou et me souffla à l’oreille : « Écris, mon fils, tu auras du talent, et tu feras taire les envieux. »



Le lendemain matin nous apprîmes d’un commissionnaire envoyé par la vieille gouvernante, Clorinde, que M. Dubois était mort. Vingt minutes après avoir reçu cette nouvelle,